Précisons ce que l’on entend par cette notion d’écart entre l’intention de changer ou de maintenir un comportement et le faire de traduire réellement cela en actions.
Ce concept représente l’incapacité à traduire les intentions en actions et cet écart peut nous rendre incohérent. Avoir l’intention de réaliser un projet, de modifier ou de maintenir une habitude jugée pertinente ou au contraire incohérente, ne se traduit pas toujours par des comportements avérés. En 2001, des auteurs ont publié une méta-analyse, c’est-à-dire une revue de nombreux articles, dont les résultats étaient concordant pour conclure que l’intention de prédisait que 30 % de la variation des comportements de santé ! (Armitage et Conner, Efficacité de la théorie du comportement planifié ; méta-analyse 2001).
Cela peut concerner différentes intentions d’agir sur notre mode de vie, comme manger sainement, avoir un sommeil de qualité, diminuer sa consommation d’alcool ou de tabac. En ce qui concerne la santé, cet écart intention/action est particulièrement présent dans deux types de comportements : la pratique d’une activité physique d’une part (Rhodes et De Bruijn, méta-analyse, 2013) et d’autre part le maintien d’une alimentation saine (Adriaanse, Vinkers, De Ridder, Hox, De Wit, méta-analyse, 2011).
Quelles sont les variables qui peuvent moduler cet écart entre l’intention et l’action ?
Commençons par l’élément central : LA MOTIVATION évidemment !
Pour passer à l’action, vos projets ne manquent pas, mais il vous faut un élément primordial qu’on appelle la motivation. Première chose à savoir : la motivation peut être autodéterminée ou déterminée par autrui. Autodéterminée, lorsque la décision d’adopter le comportement est propre à soi-même, liée à un objectif personnel. Ou déterminée par autrui, si le comportement est motivé par une pression externe.
Par ailleurs, qu’elle soit autodéterminée ou déterminée par autrui, votre motivation sera de de 2 natures différentes : intrinsèque ou extrinsèque. Le type de motivation est particulièrement important car il impacte fortement la réalisation concrète du changement ou du maintien de comportement.
Vous sollicitez une source de motivation intrinsèque lorsque vous vous engagez dans une action en raison de son caractère agréable, parce que vous l’appréciez. Ce type de motivation est souvent plébiscité par les personnes qui essaient de trouver une source de motivation efficace pour leur entourage : les dirigeants, entraîneurs sportifs, enseignants, parents, souhaitent que les personnes à qui ils confient des tâches les exécutent correctement et qu’ils y trouvent un intérêt qui se suffise à lui-même. Cette motivation intrinsèque est perçue la plupart du temps comme une source de motivation plus saine et plus puissante car elle vient de soi-même.
Il existe ainsi 3 besoins que nous sommes motivés à satisfaire : l’autonomie, la compétence, et la relation sociale. Il existe en outre 3 sources principales de motivation intrinsèque : Savoir, c’est le fait de connaitre de nouvelles choses, le désir d’apprendre. Accomplir, c’est le fait de relever des défis et de rechercher l’accomplissement d’un projet. Eprouver, c’est le désir de ressentir du plaisir. Les probabilités de réussite seront beaucoup plus importantes si une action fournit ces 3 sources de motivation intrinsèque.
Cette motivation qui provient de l’envie et du plaisir est puissante mais souvent difficile à maîtriser. Vous devrez alors utiliser les leviers de la motivation extrinsèque, qui sont beaucoup plus maniables. Vous devrez ici adopter un comportement, non pas pour des raisons internes, mais pour obtenir une récompense distincte.
Quels sont les 3 outils que vous pouvez utiliser pour agir sur votre motivation extrinsèque ?
– Premier outil : se lancer des défis.
De nombreuses tâches à accomplir ne suscitent aucune envie : les corvées ménagères, les obligations administratives, le rangement, etc. Il faut alors comprendre son propre cerveau pour savoir comment le tromper. Dans le cerveau, il existe un circuit de la récompense, c’est-à-dire le mécanisme cérébral qui nous incite à suivre certains comportements pour obtenir le plaisir qui en résultera. Mais ce circuit de la récompense ne répond pas uniquement à la recherche de plaisir. Il est aussi sensible à la progression et à la curiosité. Il faut donc essayer de se lancer des défis pour réussir ce que nous souhaitons réaliser.
– Un deuxième outil possible : Chercher le sens de de vos actions.
Plutôt que d’essayer de créer des envies, comment augmenter la motivation lorsque l’on n’a pas envie d’effectuer une tâche ? Notre cerveau a besoin de trouver du sens et de l’utilité à nos actions. Demandez-vous ce que cela apportera à votre équilibre, aux autres, à la planète, à l’entreprise, etc. Il s’agit ici de solliciter surtout le cortex préfrontal, pour parvenir à une décision volontaire et réfléchie, rationnalisée.
– Vous pouvez enfin activer un troisième outil : Apporter des récompenses.
Nous avons rarement le loisir de faire le choix nous-même des tâches à effectuer. Dans le monde professionnel en particulier, mais aussi dans la vie quotidienne, nous ne pouvons pas sélectionner uniquement les actions qui ont du sens à nos yeux. Notre cerveau détermine notre motivation en fonction d’un calcul des coûts et des bénéfices de ce qu’il entreprend. Il faut que l’action envisagée en vaille la peine et que le bénéfice escompté surpasse les efforts nécessaires pour l’accomplir. Vous devez jouer sur les conséquences de vos actions, en vous octroyant des récompenses en cas de succès, ou au contraire, en mettant en place un système de pénalité. Par exemple, si vous n’avez pas abouti à votre objectif dans un temps imparti, vous vous engagez à offrir une caisse de champagne à vos amis. Si vous parvenez à votre objectif en revanche, vous vous accordez l’achat d’une bouteille de vin d’un excellent cru chez votre caviste. C’est une façon d’intervenir sur le rapport coût bénéfice de vos agissements. Le facteur temps est essentiel dans ce calcul de probabilité. Le cerveau donne beaucoup plus de valeur aux récompenses immédiates, qu’à celles qui nécessitent une plus longue attente.
Quels sont les éléments qui vont déclencher en nous le souhait de changer de comportement ?
Pour de nombreuses personnes, la normalité est un mode de vie stressant, accompagné d’une alimentation malsaine et d’un sommeil de mauvaise qualité. Il faut alors interrompre cette normalité et espérer que cela déclenchera un changement de comportement. En vous comparant à une norme, vous allez ressentir une perception de divergence si vous ne la respectez pas. Cependant, cela ne garantit pas une signification et une valeur personnelles pour vous. Les choix de comportement suite à un événement déclencheur peuvent contre-intuitifs car le comportement est d’abord dicté par la réponse émotionnelle ressentie par la personne lorsqu’elle est informée de son écart par rapport à une norme proposée. (Carver et al., 2001. Sur l’autorégulation du comportement). Le passage à l’action dépend en effet beaucoup de nos réponses émotionnelles et affectives. Les sentiments de frustration, de colère ou de bonheur sont généralement liés à un effort plus élevé. Les sentiments de tristesse ou de découragement pourraient être liés à un effort moindre.
Quelles sont les capacités dont notre cerveau dispose pour contrôler nos pensées et nos comportements, afin de transformer nos intentions en actions ?
Les fonctions exécutives recouvrent les processus cognitifs dont nous avons besoin lorsque nous faisons face à une situation inhabituelle, nécessitant la mise en œuvre de mécanismes non routiniers, non automatiques. Elles nous permettent de nous adapter aux situations problématiques et de lutter contre des schémas de pensée automatiques qui nous conduisent à des erreurs. Ce sont ces capacités cognitives sont nous avons besoin pour prendre des décisions stratégiques et aller au bout de nos intentions, sans nous laisser distraire. Le niveau d’efficience des fonctions exécutives de chaque personne détermine la façon dont elle va traduire ses intentions en actions. Des auteurs ont par exemple évalué la capacité d’inhibition à modérer la relation entre l’intention et l’activité physique et le comportement de consommation de fruits/légumes.
Ces capacités cognitives, déterminantes pour aller au bout d’un projet, sont toutefois fragiles. Les fonctions exécutives sont en effet perturbées par le stress, la dépression (Schoofs et al., 2009) et le manque de sommeil (Bernier et al., 2013).
Les fonctions exécutives sont fragiles mais peuvent être améliorées. Elles peuvent être favorisées par la méditation (Hawkes et al., 2014. Comparaison transversale de la fonction exécutive chez les personnes vieillissant normalement pratiquant de tai-chi, de méditation et d’exercice physique aérobique à long terme par rapport aux adultes sédentaires) et par des sentiments positifs (Fredrickson et al. 2005. Les émotions positives élargissent la portée des répertoires d’attention et de pensée-action).
Un facteur très important permettant d’entretenir de bonnes fonctions exécutives, et donc une bonne capacité à traduire ses intentions en actions est la pratique d’une activité physique. Ces 10 dernières années ont été témoins d’un grand nombre de publications scientifiques sur les liens entre l’activité physique et la cognition : Il a été démontré que l’activité physique améliorait l’attention, la vitesse de traitement de l’information, la mémoire et les fonctions exécutives (Chaddock et al., 2021).
Il a en outre été démontré que les améliorations cognitives engendrées par l’activité physique sont plus importantes dans les exercices nécessitant des tâches cognitives (Colombe et Kramer, 2003). De nombreuses recherches ont en effet permis de conclure que plus l’activité physique est engageante sur le plan cognitif, plus elle est efficace (De Bruijn et al., 2020). Autrement dit plus vous réfléchissez en faisant de l’activité physique, plus vous créez de nouveaux neurones et plus vous améliorez vos fonctions exécutives !
En plus de créer de nouveaux neurones (la neurogénèse), cette activité double tâche, physique et cognitive, va permettre la création de nouvelles connexions entre les neurones. Nous appelons cela la plasticité cérébrale. En activant simultanément des circuits cérébraux associés au fonctionnement cognitif d’une part, et au mouvement d’autre part, comme le cortex préfrontal et le cervelet (Kassaï et al., 2019), la stimulation cérébrale a des effets amplifiés : vous produisez de nouveaux neurones dans les régions responsables des fonctions exécutives et vous leur permettez de se connecter efficacement entre eux. Vous pouvez par exemple profitez des sorties vélo ou course à pieds pour travailler simultanément vos fonctions exécutives.
En résumé, pour augmenter les capacités cognitives qui vous aideront à aller au bout de vos projets et à traduire vos intentions en actions, pratiquez régulièrement une activité physique d’intensité modérée (comme une marche rapide ou du vélo), et faites travailler en même temps votre mémoire, votre raisonnement, votre analyse. Mangez sainement, respectez vos besoins en sommeil. Croyez en votre potentiel de progression, ne restez pas dans votre zone de confort. Vous percevez ici le cercle vertueux que nous cherchons à atteindre : faites ces efforts pour que vos fonctions exécutives fonctionnent mieux, et ces meilleures capacités cognitives vous aideront à mener à bien vos projets, à traduire vos intentions en actions. Donnez-vous des défis stimulants, cherchez la curiosité, la difficulté. Prenez le temps d’identifier le sens et l’utilité réelle de vos intentions. Demandez-vous en quoi l’objectif recherché est important pour vous. Si vos premières émotions sont négatives face à l’effort à produire, ne vous engagez pas immédiatement mais prenez le temps d’envisager la situation avec des émotions plus positives. Domptez votre cerveau en vous octroyant des récompenses immédiates et en vous engageant dès le départ à payer un prix dissuasif en cas d’abandon.
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